Le temps des examens
Je me suis toujours dit que vieillir pouvait avoir des bons côtés. Au moins, on peut profiter du mois de juin sans avoir d’examens à passer, de concours à présenter, de résultats à attendre et de sentence à recevoir.
Ce que je n’avais pas bien compris, c’est qu’on a toujours un frère, une soeur, un cousin ou un enfant qui nous fait revivre ces moments douloureux par procuration. Il faudrait être enfant unique, fille d’enfant unique célibataire et sans enfant pour y échapper. De ce côté c’est un peu loupé, ma famille recomposée a rempli son rôle à fond : question examens je ne suis jamais sortie de l’auberge, et mes trois schtroumpfs vont s’en donner à cœur joie pour prendre le relais.
Et il y a des années meilleures que d’autres. Celle-ci pour le moment ne semble pas particulièrement marquée par une récolte miraculeuse. C’est plutôt la version disette va-t-on dire.
Je découvre donc la souffrance par procuration.
Elle me rappelle bien des souvenirs de déjà-vu ceux de l’attente des résultats, des nuits blanches, des ongles rongés, des montres jamais lâchées des yeux, des listes de noms qu’on fait défiler le cœur battant, des mains amicales broyées serrées.
On parle de l’angoisse des examens, mais j’ai toujours trouvé celle des résultats bien pire. On a beau dire « tout est joué, tu n’y peux rien changer », eh bien justement, c’est ce côté « destin inéluctable sur lequel on a pas de prise » qui me stresse. Et aujourd’hui, je n’ai de prise sur rien puisque ce n’est même plus moi qui passe les examens.
Alors comment faire comprendre à un petit frère qu’un échec en médecine ce n’est peut-être qu’un signe du destin pour dire que sa voie est ailleurs ? A une petite sœur que la vie sans écueils ça n’existe pas mais que cela ne signifie pas que le succès n’est pas au bout du chemin ? A un enfant terrible que la vie ne se joue pas à 9 ans, mais que pourtant c’est déjà à cet âge qu’on se construit peu à peu, et que ça n’est jamais facile ?
Il doit me manquer quelque chose pour faire passer les messages : une longue barbe blanche, un crâne chauve, des rides en plus et le look de Dumbledore peut-être. Finalement on n’est jamais assez vieux pour passer le mois de juin en toute sérénité…